Relation du Rêve Eveillé Dirigé du 7 mars 2017.
Ça commence par la tête. Elle décolle, monte, elle est chaude, vibrante, accélération, fusée. Elle est énorme, puissante, rapide, elle entraîne le corps sans effort. Voilà, c’est ça : je me souviens de quand j’étais un spermatozoïde !
Elle monte ma tête, elle monte, elle va finir par se décoller du cou, j’attends le
« plop » indicateur, j’attends avec curiosité, impatience, excitation. Tout en sensation d’ascension de vibration, vitesse et chaleur. Pas d’image. Et puis je sors de l’atmosphère, de la stratosphère, je rentre dans l’espace.
Flotter. Noir. La Terre apparaît, là devant dessous lointaine. Comme une bille ‘geai bleu’. Je ne sais plus si je monte, pas de repère, et puis si, mais si, je monte : je dépasse le soleil.
Opaque. Translucide. Tiède. Je suis dans l’eau. Ce n’est plus la tête qui tire le corps, mais la poussée de l’eau qui me fait monter.
J’émerge.
JAUNE. Ma couleur préférée.
Eau jaune. Je suis dans un fleuve jaune. Au milieu d’un paysage dont toutes les couleurs auraient été passées au glacis cadmium. Il y a des maisons, une ville, des arbres, des forêts. Comme dessinés, entre les décors de Super Mario et un dessin animé japonais.
Et puis je monte encore, une fusée dans le dos, ou peut-être une aile, un deltaplane ? Je monte encore, je survole le fleuve, la ville, la campagne.
C’est une planète jaune. Je pense à Caladan, je pense à Dune.
Anne, ma copilote, garde l’itinéraire (et la moyenne) à l’œil et me propose de chercher le maître intérieur. Je me retrouve au-dessus de montagnes très pointues, abruptes, des aiguilles, des à pics. Et je me pose dans un nid d’aigle en équilibre au sommet d’une pointe.
Et là, l’Aigle. Je suis prête à apprendre. A voler, car c’est ça qu’il doit m’enseigner. En fait c’est tout simple : il suffit de se jeter dans le vide.
Voilà.
Bon.
Ça fait un tout petit peu peur tout de même. Aux alentours, je ne vois que des pentes des falaises des abîmes, c’est vertigineux, et si je me penche un peu hors du nid pour vérifier la hauteur, je découvre qu’on est au-dessus des nuages. C’est comment, plus que vertigineux ?
Ouf. Là j’hésite. Et l’Aigle de préciser : il ne s’agit pas juste de te laisser tomber, il faut prendre ton élan et bondir ! (Parce que sinon, je chute je dégringole et je m’écrase si je comprends bien).
Re-ouf. Longue expiration. L’Aigle s’envole sans m’attendre. Donc. Prendre son élan. Et bondir. Attends, attends, je me concentre…
Ça y est je l’ai fait sans même savoir ni avoir décidé que j’allais le faire, j’ai reculé pris mon élan et
BONDI !!!
Ouf ouf ouf je vole. Je plane. L’air sous mon corps comme un tapis très doux, une matière dense, solide. Je vole. Je sens les muscles des épaules et des bras et jusqu’au bout des doigts, qui battent. Jusqu’ici je n’avais jamais volé, sauf sur le dos d’un hibou, d’un ptérodactyle sympa ou d’un dragon aquatique. Là je vole, par moi, pour moi. Wouah !
Anne me rappelle que le maître peut m’indiquer une source…
L’Aigle est là, on vole tous les deux au-dessus du paysage jaune. On a laissé derrière les falaises, les aiguilles, les à-pics. On survole à nouveau le fleuve, la ville, les forêts, les prairies, on remonte vers la source du fleuve Jaune.
C’est d’abord une cascade qui tombe au ralenti, de très haut, du creux d’une falaise de marbre. Une cascade transparente qui ne devient jaune qu’en arrivant en bas.
L’Aigle et moi, on remonte la cascade. Juste au-dessus de la source, un petit promontoire, un à-plat tapissé d’herbe, où on se pose. C’est étonnant, la cascade est vaporeuse, légère, pas du tout chute d’eau, plutôt brumisateur, fontaine sous patio. Le silence est habité de goutelettes. C’est grand, calme et beau.
Au loin, le cap. Le fleuve jaune sinue dans le paysage et va se perdre dans la brume de mer. Dans cet espace il y a du temps, et aujourd’hui, ou maintenant, ou ces jours-ci se situent quelque part derrière la skyline de la ville, cachés. On ne les voit pas, on sait juste qu’ils sont là.
Anne me signale à regret qu’il est temps de revenir. A la suite de l’Aigle je bondis dans l’air et je pique vers l’eau jaune. A nouveau l’eau, puis l’espace puis la bille ‘geai bleu’ puis…
Brouhaha dans la salle. Je sens mes ailes redevenir des bras. Je sens ma tête redevenir une tête. Je m’étire avant d’ouvrir les yeux. Je croise le regard d’Anne, comme un miroir incrédule.
Elle me confie avoir vu au décollage mon cou qui s’allongeait, s’allongeait… “Ça faisait presque peur, je me demandais quand ça allait s’arrêter !”…
Quelques centaines de milliers millions de kilomètres en 40 minutes environ. C’était la dernière session du cours d’Hypnologie sur l’Imaginal, sous-titré : “Vers une imagination agente ?”. Alors en ce qui me concerne, on peut enlever le point d’interrogation.